... j’écris mon journal de confinement et de la crise du covid

Je me dis qu’on est en train de vivre quelque chose d’historique, d’inédit, à l’échelle mondiale. Quand je vois comment mon avis a vite évolué sur le problème, j’ai envie d’écrire pour garder en mémoire ce temps spécial et une longue période de confinement qui se profile.

5/03 : Flybe, la compagnie aérienne qui nous permettait de rentrer en Normandie depuis l’Angleterre a fait faillite suite aux nombreuses annulations (et une mauvaise gestion depuis un moment). On espère que ce sera racheté après la crise pour ne pas avoir à passer par Paris pour rentrer.

6/03 : Mes parents choisissent d’annuler une croisière prévue pour avril. Sur le coup, je ne comprends pas leur choix vu qu’elle ne passe pas par des pays contaminés. Mais vu qu’il est censé y avoir des gens du monde entier dessus, c’est clair que l’ambiance aurait été pourrie si tout le monde s’évitait… Au final, cette croisière n’est jamais partie.

10/03 : Dans une semaine, on doit avoir la réunion d’organisation pour le marché local. Une des organisatrices demande à faire ça à distance pour rester isolée. Elle a eu des gros soucis de santé récemment. Là encore, je me dis qu’elle en fait un peu beaucoup. Au final, le 18, on a tous fait réunion sur Zoom et on a appris que la personne en question avait un proche contaminé.

12/03 : J’espère encore, mais beaucoup moins quand même, partir en Tasmanie pour 3 semaines le 23.

13/03 : On renonce à partir en Tasmanie. On se fait rembourser tous les logements sans frais et on a un avoir d’un an pour les billets d’avion. On s’en sort bien même si ça fait ch…!

14/03 : Il n’y a plus de PQ ni de pâtes dans notre supérette mais pas de soucis pour le reste. Les gens achètent normalement. C’est assez rassurant.

15/03 : Fermeture des magasins non-alimentaires (sauf quelques exceptions genre le BTP sous prétexte qu’ils bossent dehors. Le gouvernement n’est pas logique) et lieux publics en France.

16/03 : Début du télé-travail. Ce matin, j’ai récupéré un ordi, les documents et codes nécessaires. J’étais habituée à préparer mes cours à la maison quand j’étais prof. Je suis assez disciplinée donc ça ne m’embête pas. Mais le travail va venir à manquer à un moment. Mais on sait que la fac va nous payer, mon chéri et moi. On se dit qu’on a beaucoup de chance par rapport à ceux dont l’avenir économique est incertain.

18/03 : Les magasins sont bien vides, les achats sont limités à 2 items du même produit. La folie est aussi arrivée à Wivenhoe. A côté de ça, un groupe de soutien pour les personnes isolées ou vulnérables se crée. La communauté est solidaire. Un autre groupe sur Facebook lance l’idée de dessiner des arcs-en-ciel aux fenêtres pour faire commune chasse au trésor dans la ville pour occuper les enfants. Beaucoup d’habitants participent. C’est devenu un symbole de soutien pour la NHS (la Sécu anglaise) pendant le confinement.

20/03 : Boris a enfin décidé de fermer les écoles ce soir. Mon manager me dit qu’il va juste bosser tôt le matin et le soir pour s’occuper de ses gosses en journée. Ça me fait déculpabiliser si je bosse de manière plus cool comme j’ai pas tant que ça à faire.

21/03 : Le marché n’a pas eu lieu mais il y avait des points de collecte de commandes pendant une heure. On a tenté d’acheter de la lessive en vrac mais au bout d’un demi-litre, le bidon était vide. Personne ne sait quand il y aura une nouvelle livraison. On s’est promené au parc de Beth Chatto dont l’entrée est devenue gratuite pour mars et jusqu’à ce que le confinement devienne soit sans doute obligatoire.

23/03 : Le magasin où je vends mes créations décide de fermer par précaution. Il n’y aurait pas eu le choix dès le soir même en fait quand Bojo a annoncé la fermeture des magasins non-alimentaires et la limitation des sorties à une par jour. Mais ici, on peut sortir avec les membres de son foyer, sans permission écrite et où on veut tant qu’on se réunit pas. Les gens sont plus disciplinés qu’en France.

28/03 : La semaine est passée vite avec le télé-travail. J’adopte des horaires plus souples comme je n’ai pas tant que ça à faire en ce début de confinement. Vendredi soir, l’ennuie pointe le bout de son nez. Le temps n’aide pas. Ça fait 2 mois que le vent souffle sans s’interrompre. C’est fatiguant et ne motive pas à de longues sorties qu’on a toujours le droit de faire en famille ici tant qu’on ne retrouve personne.

01/04 : Seulement 10 personnes à la fois peuvent faire leurs courses à la Co-op. Les rayons sont loin d’être plein. On reçoit de moins en moins de blagues sur le confinement.

10 au 13/04 : C’est le weekend de 4 jours pour Pâques. Normalement, on rentrait de Tasmanie le 13. Ça fait du bien d’avoir du temps pour se reposer et ne pas penser au boulot, même si j’ai pris un rythme tranquille et que je me demande ce que je vais bien pouvoir faire dans quelques jours pour justifier mon salaire… Je me motive doucement à me faire un haut en couture. On a pris notre premier repas dehors depuis septembre 2018 tellement le temps a été pourri entre temps. En fait, le confinement ne nous change pas grand chose à part le télé-travail, qu’on fait moins souvent les courses et qu’on voit encore moins de monde qu’avant. Mais il fait enfin un temps correct donc on se balade plus qu’avant.

22/04 : On a du mal à savoir quel jour on est. Nous, ça va toujours mais on connait des gens qui ont eu le covid (dont une collègue qui vient d’accoucher!). Heureusement, pour la plupart, les symptômes sont restés mineurs. Les jours rallongent. Les fleurs sortent de partout. On a découvert un nouveau chemin dans les bois où il y a plein de jacinthes des bois (bluebells).

25/04 : Le Wivenhoe lockdown festival a eu lieu. Le principe, c’est que les musiciens de la ville (on a beaucoup d’artistes ici) volontaires donnaient un petit concert depuis chez eux ou leur jardin. C’était rediffusé en direct sur Facebook. Comme j’ai 2 voisins musiciens, j’ai pu les voir jouer depuis chez moi. Ça a fait un peu d’animation et ça a permis de récolter des sous pour le réseau d’entraide de Wivenhoe pour les personnes malades ou vulnérables.

30/04 : Le beau temps n’a pas duré. Le vent froid souffle toujours. J’ai remis du tissu autour des fenêtres de mon atelier de couture / bureau le temps du confinement car trop de vent repassait. C’est de plus en plus dur de savoir quel jour on est… Le jeudi à 20h, les anglais font du bruit pour la NHS dont Bojo qui est guéri du covid et qui vient d’être papa.

1/05 : J’ai fait les courses hebdomadaires à la place de mon chéri comme c’est son anniversaire. Ça faisait un mois et demi que je n’y été pas allée. Ça m’a stressée car il faut faire vite comme les gens attendent dehors et on doit acheter ce qu’on touche mais parfois sans voir les dates de péremption des aliments dans les rayons en hauteur. Puis ramener deux gros sacs en finalement se rendant compte que j’ai oublié des trucs… Mon chéri y retournera.

9/05 : On avait déjà Pat le facteur qui faisait des coucous sur son vélo. Maintenant, le samedi, un stormtrooper se balade et se fait prendre en photos.

15/05 : Ma charge de travail est tout de même encore assez élevée. J’aide un peu les autres services. Mais sinon, on a créé de nouvelles choses : newsletters par et pour les membres, version virtuelle de la clinique juridique, Zoom hebdomadaire avec les étudiants… Et il y a toujours le bilan de l’année à faire et la préparation de la rentrée.

17/05 : Depuis lundi, on a le droit de prendre la voiture pour aller se promener. Aujourd’hui, il fait en fait à peu près chaud (19°) et le vent froid s’est enfin un peu calmé. On en a profité pour aller découvrir un nouveau coin : la réserve de Tollesbury. On a marché pendant deux bonnes heures le long des polders. Ça ne nous était pas arrivé depuis au moins novembre à cause du vent permanent. J’en ai même eu une ampoule au pied ! C’était joli avec quelques poneys sauvages. Mais une ancienne centrale nucléaire gâche le paysage…

16/06 : Cela fait un mois que je n’ai pas écrit dans ce journal. C’est qu’il ne se passe pas grand chose. Le France se déconfine. Ici, les magasins non essentiels ont été autorisés à rouvrir hier dont le magasin où je vends mes créations. La vente à emporter se développe. Il y a eu un second lockdown festival avec des concerts et d’autres artistes locaux visibles essentiellement sur Facebook mais aussi en live, comme mon voisin ci-dessous. Les écoles primaires ont repris au début du mois. On peut se rassembler jusqu’à 6 personnes dans notre jardin. Pas mal de voisins en profitent comme il fait enfin beau. On a découvert des endroits pas loin de chez nous qu’on ne connaissait pas encore.

25/06 : Des milliers de britanniques s’entassent sur les plages pour fêter les 4 jours de chaleur qui viennent de s’enchaîner alors qu’on est censés être encore en confinement. Ils laissent derrière eux 33 tonnes de déchets à ramasser…

4/07 : Ça y est ! On a enfin le droit de recevoir du monde. Mais bon, c’est pas la fête non plus car les invités doivent tous vivre sous le même toit donc ça limite beaucoup. par contre, on peut partir en weekend et aller dans les pubs. C’est encore pas logique, mais c’est juste des choix politiques pour l’économie.

Ce journal touche donc à sa fin, en espérant fortement qu’il n’y aura pas de deuxième vague…